Eveil – partie 1

“Faut vraiment que je change ce matelas”

C’est la première chose qui me traversa l’esprit ce fatidique matin. A ma décharge, j’ai toujours eu le sommeil très lourd et il me fallait bien une bonne heure pour me lever. Pourquoi préciser ? Car je veux que vous compreniez qu’au moment où débute cette histoire j’étais dans le cirage le plus complet.

Mais bientôt mes sens s’éveillèrent les uns après les autres. Le bruit du vent dans les feuilles et le chant des oiseaux, le sol, dur et inégal, l’odeur de la forêt, ce mélange d’humus et de champignons. J’ouvrais les yeux et je découvrais que mon lit s’était changé en racines mousseuses, le plafond en hautes ramures laissant passer une lumière diffuse et tamisée et que les murs avaient disparus pour laisser place à des tronc d’arbres espacés se perdant dans le lointain.

Si avant, j’avais pu maudire cette léthargie matinale, ce jour-là elle m’empêcha de paniquer instantanément. Mon premier réflexe fut évidemment de penser que j’étais en train de rêver, après tout, cela faisait quelques mois que je tentais de faire un rêve lucide, c’était donc bien plus simple à croire que d’admettre que je n’étais plus dans ma chambre pour de “vrai”.

Ma chambre n’était pas la seule chose à manquer puisque j’étais nu comme un ver, je profite donc de cet instant gênant pour vous donner une description de ce à quoi je ressemblais. Petit mètre soixante-dix de haut, large d’épaule, cheveux longs, la bedaine du citadin sédentaire, la seule chose que j’aimais chez moi étaient mes yeux, allant du jaune autours de l’iris au marron à l’extérieur en passant par le vert, j’aimais avoir ces trois couleurs.

J’émergeais donc petit à petit de ma torpeur et commençait à chercher autours de moi si je ne trouvais pas mes lunettes. A leur place je découvrais une bourse en cuir noir qui faisait bien trop neuve pour être quelque chose qui aurait été abandonné ici, je supposais donc qu’elle m’était destinée. A l’intérieur se trouvait divers objets : 3 petits en œufs en or, une pièce ronde en or ainsi qu’une autre, carrée, en argent.

Je sortais le contenu pour examiner tout ça quand, au moment où la pièce en or toucha ma main, elle se mit à léviter, puis une sorte d’hologramme représentant la tête massive d’une créature reptilienne apparut et commença à parler d’une voix rauque et profonde dans un langage que je ne comprenais pas, mais gutturale tout autant que sifflante. Au-dessous de l’hologramme, une sorte d’écriture cunéiforme défilait en rythme avec les paroles de la créature. Surpris, incrédule et encore à moitié endormis, je ne prêtais guère attention aux paroles du reptile, recherchant plutôt les œufs et la seconde pièce que j’avais laissé tomber dans la surprise.

Quand l’apparition eu fini son monologue, elle disparue et la pièce en or tomba au sol. Je la touchais prudemment, ne sachant pas vraiment à quoi m’attendre, mais rien ne se passa. La pièce en argent était carrée et semblait vibrer légèrement. D’un côté, s’enroulait en spirale un texte dans le même langage cunéiforme et de l’autre côté, des arabesques formaient un dessin abstrait dont le sens m’échappait. Les œufs étaient dans le même métal doré que la pièce ronde et étaient également orné d’un texte en spirale, toujours dans le même langage, comme si quelqu’un avait voulu faire tenir un maximum de texte sur la surface des œufs. Le fait qu’ils soient rigoureusement identique me laissait penser que ce n’était pas un travail artisanal, mais bel et bien manufacturé.

Je rangeais l’ensemble dans la bourse en cuir dont la lanière était assez longue pour que je puisse la passer à ma taille puis me mettais à explorer les environs.

Marcher pied nu dans une forêt n’est pas vraiment une bonne idée, ronces, rocher, graviers, mousses glissantes et épines divers et variées, j’avais assez rapidement les pieds endoloris et en sale états. Mais ce qui finit par briser définitivement l’hypothèse d’un rêve lucide fut la faim.

Et bientôt je dus faire face à la terrible perspective : il s’était passé quelque chose et j’était coincé ici, nu, à un endroit inconnu…

Je peux vous sembler calme et maitre de moi, mais cela est essentiellement dû au fait que je relate ces événements longtemps après les faits. Je vous assure qu’à l’époque, au fur à mesure que la journée avançait, j’enchaînait crises de paniques sur crises de paniques. Mes pensées étaient tournées vers ma famille, mes amis, mon monde en fait, petit à petit, la terreur me submergeait, les questions s’entassaient.

Où étais-je ? Que c’était-il passé ? Avais-je été enlevé ? Si oui par qui ? Si non, comment étais-je arrivé là ? J’arrivais à avancer en me raccrochant à l’espoir que tout cela n’était qu’un de mes cauchemars, mais si c’était le cas, il était sans conteste le plus réaliste que j’avais fait. Mon cerveau passait en revue toutes les possibilités pour tenter d’expliquer ma situation actuelle, mais toujours je revenais à ceux que j’aimais. Est-ce que ma famille était quelque part dans cette forêt ? Mes amis peut-être ? J’espérais que non et me demandais comment je pourrais les retrouver si c’était tout de même le cas.

J’errais donc dans cette ambiance sylvestre étouffante pendant toute une journée, partagé entre la faim, les questions et la peur. Car la forêt résonnait de bruit d’animaux, de cris d’oiseaux que je ne reconnaissais pas. Je découvrais qu’il y avait une nette différence entre se promener dans les bois tel que ceux de mon enfance, où les prédateurs sont absents et qui est non loin d’un toit abritant un repas chaud et un lit confortable et errer sans but dans une vielle forêt sombre et humide où le moindre buisson peut cacher un danger mortel, où chaque bruissement dans les feuillages pourrait abriter un prédateur.

La faim et la soif accompagnait chacun de mes pas, je trouvais bien quelques mares, mais leurs eaux saumâtre et stagnantes me firent les éviter. De même, je trouvais de nombreux buissons qui abritaient des baies, mais leur couleur vives et l’absence de traces visibles d’animaux me faisaient craindre un empoisonnement.

Le sol inégal de la forêt rendait la progression difficile et douloureuse. Chaque épine, racine glissante, cailloux coupant, flaque de boue ou autre substance non-identifiée semblait se placer sciemment sur mon chemin, rajoutant à la fatigue physique déjà importante.

Plusieurs fois je me jetais dans un creux du sol en entendant un animal s’approcher ou un oiseau me survoler. Les bruits et senteurs étaient enivrantes, m’étourdissant et me surchargeaient d’information que je ne pouvais pas traiter.

Je finissais par m’effondrer au creux d’un arbre, épuisé. La nuit fut interrompue à de nombreuses reprises par des bruits d’animaux, les arbres laissant tout juste passer assez de lumière pour que le moindre reflet se transforme en prédateur assoiffé de sang.

C’est une goutte de rosée qui me réveilla le lendemain matin, rapidement suivit par une crise de panique où j’imaginais déjà ouvrir les yeux sur un prédateur à l’affut.

Quelques longues minutes s’écoulèrent, partagé entre la terreur, la faim, la fatigue et le froid. A mon grand regret, quand il devint évident qu’aucun monstre ne s’apprêtait à me dévorer, je finissais par me lever. La marche forcée de la veille à travers la forêt m’avait laissé les pieds en sang.

 Mon ventre était vide, j’avais soif, j’étais boueux de la nuit et mon cerveau ne me laissait pas un instant de répit en me harcelant de questions, doutes, craintes et cauchemars. Ma dépression revenait comme un tsunami. Déferlant, noyant et détruisant tout ce que j’avais réussir à faire pour aller mieux ces dernières années. Au milieu de la journée, j’en était réduit à considérer l’idée de mettre fin à mes jours comme une bonne idée, au moins le calvaire serait enfin fini, après tout, j’avais perdu ma famille, mes amis, ma vie, tout, autans en finir.

Là.

Maintenant.

Le soleil se couchait et je n’avais pas bouger de la journée, j’avais le ventre tordu par l’angoisse et la faim, tellement déshydraté que je n’arrivais même plus à pleurer, tellement épuisé que je sombrais dans l’inconscience.

Je fus tiré de mon sommeil par le tonnerre, la pluie tombait avec rage, assez fort pour traverser la canopée et détramper le sol, formant flaques et mares.

Dans un état plus proche de la transe que de la conscience, poussé par l’instinct de survie, je buvais de l’eau a même le sol, toute notion d’hygiène ayant disparu face à la soif et la fatigue. A moitié conscient, sans plus aucun désir de vivre, je me trainais vers le plus proche buisson et je mangeais tous les fruits que j’y trouvais avant de sombrer de nouveau.

Au matin, j’émergeais, brisé, sale et sans espoir, mais mon ventre était plein et ma gorge désaltérée. C’est alors que j’eu une réflexion qui me percuta comme une avalanche : Si j’étais vivant et ici, cela voulait dire qu’on m’y avait amener…

Le qui ou comment n’avait pas vraiment d’importance pour le moment, car ce qui comptait était le fait que si on m’avait amené ici, je pouvais toujours trouver un moyen de partir.

Rentrer chez moi…

Alors que le soleil perçait à travers le feuillage pour réchauffer le sol, je parvenais enfin à me relever. Animé d’une énergie nouvelle je me mettais en route. Sans aller jusqu’à dire que j’avais retrouvé gout à la vie, au moins j’avais désormais un objectif !

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